Achards lacto-fermentés de christophine et clémentine corse
Nous sommes en pleine saison de la christophine,un légume d'automne !
Appelé christophine aux Antilles, choko en Nouvelle Zélande et en Australie, sosety ou sosoty à Madagascar, mirliton en Haïti, chouchou à la Réunion, sousou à l’île Maurice, voilà un légume tropical (au sens botanique c’est un fruit) qui se plaît bien sous nos latitudes. De la famille des cucurbitacées (courgettes, concombre, courges, …), il est originaire du Mexique.
C’est un légume polyvalent qui se mange cru, cuit ou lacto-fermenté. En version salée, sucrée ou sucrée/salée. Tout se mange dans le chouchou (sauf la peau pour ceux arrivés à maturité) : les jeunes pousses, les feuilles, les jeunes boutons floraux femelles, le fruit et la graine du fruit, les rhizomes. Son goût assez neutre ouvre grand le champ des possibles en cuisine.
Il est gorgé d’eau, presque autant que sa cousine la courgette mais un peu moins que son cousin le concombre. La lacto-fermentation en salage à sec lui convient donc parfaitement car un légume gorgé d’eau qui va immerger plusieurs semaines dans une saumure ne pourra que ramollir.
La seule difficulté avec la christophine (selon les variétés) c’est l’épluchage à cause du gel qui s’écoule et qui irrite la peau. C’est que la demoiselle ne se laisse pas se faire déshabiller facilement !
Pour se faciliter la tâche, d’abord couper la christophine en deux dans le sens de la longueur puis faire des tranches en suivant les courbures de la demoiselle (comprenez les sillons). Vous pouvez ensuite procéder à l’épluchage proprement dit en humidifiant légèrement le chouchou au fur et à mesure. N’hésitez pas à vous laver les mains également au fur et à mesure que vous avez du gel sur vos mains.
Il a un goût neutre mais marié judicieusement avec d’autres ingrédients, il est très chou notre chouchou !
La clémentine est issue d’un croisement naturel entre la fleur de mandarinier et le pollen d’oranger. Elle fut découverte, il y a une centaine d’années, dans la plantation d’un orphelinat de Misserghin près d’Oran en Algérie par le père Clément dont elle tient son nom.
La clémentine de Corse est l’unique clémentine française. La production se localise principalement dans la plaine orientale de l’île, de Bastia à Porto Vecchio. Selon les variétés, les récoltes s’étendent de Octobre à Janvier. La clémentine de Corse bénéficie d’une Indication Géographique Protégée (IGP) qui garantit sa qualité, sa traçabilité et sa fraîcheur. Sa peau fine et brillante atteint sa coloration et sa maturité sur l’arbre naturellement, sans activateur. En début de saison, elle peut être partiellement verte à sa base tout en étant mûre car c’est le froid qui donne une pigmentation orange à la peau.
La Corse est une île que j’affectionne tout particulièrement tant au niveau de son peuple que de son écosystème .Les balades dans le maquis corse vous enivrent des multiples parfums de sa végétation : une véritable rando-nez. Alors non il n’y a pas de lémuriens, ni de baobabs, ni de rizières, ni de vanilliers là-bas mais quand je foule la terre de Corse je me trouve un peu comme transportée sur l’Île Rouge. Alors je vais naturellement marier ces deux îles dans ma recette.
J’ai choisi les ingrédients qui se marient bien avec le chouchou comme, entre autres, les agrumes, le cacao, le piment, certaines épices comme le gingembre / le curcuma / la cardamome / la coriandre que j’ai choisi pour faire mon curry.
La népita (Clinopodium nepeta) est la star des aromates corses : divinement parfumé, son arôme se rapproche d’un mélange de menthe poivrée et d’origan.
L’ardeur de la népita, la finesse de la vanille et le parfum délicat de la clémentine corse vont épouser merveilleusement bien le chouchou.
Pour vous donner l'eau à la bouche, regardez les quelques utilisations en cuisine de ces achards lacto-fermentés de christophine et clémentine corse !
- Coupelle de parmesan garnie de mousse d'achards lacto-fermentés de christophine et clémentine corse
- Boulette d'achards lacto-fermentés de christophine et clémentine corse au koji de riz
Dans une mesure de transparence et d’honnêteté , ceux qui reprennent mes recettes ou qui s’en inspirent en modifiant ne serait qu’un seul ingrédient pour réaliser des ateliers de lacto-fermentation, des productions destinées à la vente de fruits et légumes lacto-fermentés, des vidéos YouTube et autres, des vidéos et publications sur les réseaux sociaux, livre ou e-book de recettes de fermentation, … sont priés de le mentionner par respect pour mon travail.
Merci !
Recette en pas à pas
I- Préparation
La particularité des achards c'est l'utilisation de curry dans leur préparation. Le curry est un mélange de nombreuses épices. Sa composition et la proportion de chaque épice constituant le curry varient d'un peuple à un autre. En inde par exemple il y a plus de 40 épices dans un curry. C'est le curcuma qui donne sa couleur orange dorée au curry jaune que nous avons l'habitude d'utiliser en cuisine mais il existe du curry noir également obtenu en torréfiant des grains d'épices. Le curry vert et rouge sont originaires de Thaïlande. Le curry peut s'utiliser en poudre ou en pâte.
Pour cette recette j'ai choisi de faire moi-même mon curry.
Dans un mortier commencer à piler l'ail, le curcuma et le gingembre avec la peau. Rajouter ensuite toutes les épices en grains et continuer à piler jusqu'à avoir une pâte.
Emincer l'oignon et couper la clémentine en fine rondelle d'environ 3mm d'épaisseur puis couper chaque rondelle en deux.
Pour s’assurer d’avoir une texture fondante et légèrement croquant au coeur, il faut découper le chouchou en bâtonnet (comme des frites classiques) car les légumes des achards ne doivent être ni croquants ni trop mous. Si vous préférez les légumes croquants, les achards ne sont pas faits pour vous et je vous conseille plutô tde faire des pickles en saumure.
Mettre le chouchou coupé en bâtonnet, les demi-rondelles de clémentine et l'oignon émincé dans un grand saladier préalablement taré puis peser. Rajouter du sel naturel non traité à hauteur de 2% du poids du mélange(chouchou/clémentines/oignon). Si par exemple le mélange pèse 500g, on raoutera 10g de sel (2% de 500g).
Je rappelle que le sel a un rôle primordial dans la lacto-fermentation de fruits et légumes et que des légumes encore salés à l'ouverture du bocal est le signe que le processus de lacto-fermentation ne s'est pas déroulé dans des conditions optimales. Dans cet article ICI je vous explique tout cela en détails. Inutile donc de vouloir diminuer le taux de sel sous prétexte d'avoir un produit fini moins salé !
Rajouter dans le saladier le contenu du mortier, les grains de pollen d'abeilles, les graines de la gousse de vanille, les feuilles séchées de népita réduites en poudre.
Mélanger délicatement le tout en malaxant légèrement afin que chaque morceau de chouchou et de clémentine s'imprègnent bien de sel et d'épices. Ceci afin de faciliter et accélérer le phénomène d'osmose responsable du dégorgement des fruits et légumes.
II- Mise en bocal
La mise en bocal est une étape très importante car un bocal qui n’est pas rempli correctement est une porte ouverte aux déboires comme la formation et le développement de moisissures par exemple ou encore l’oxydation de la partie supérieure de la préparation à cause de la présence trop importante d’oxygène.
Commencer par mettre une couche de la préparation dans le fond du bocal. Bien tasser avec le poing / le fond d’une bouteille en verre / un pilon puis rajouter une nouvelle couche de la préparation et bien tasser à nouveau. Procéder de la sorte jusqu’à remplir le bocal jusqu’au niveau de la monture mécanique si vous utilisez un bocal à joint type Le Parfait ou jusqu’à environ 2/3 mm de la bordure d’un bocal à vis de type confiture.
Il est très important de bien tasser la préparation. Cela permet de faire remonter le jus au fur et à mesure que l’on remplit le bocal, les légumes vont ainsi pouvoir rester immergés dans leur propre jus. Lorsque les légumes sont bien tassés, le gaz qui va se former lors de la lacto-fermentation ne va pas pouvoir pousser les légumes vers le haut mais se frayera un chemin entre les interstices.
III- Mise en fermentation
Première phase
Laisser le bocal à température ambiante durant 5 à 9 jours, selon la température. A titre indicatif, si il fait 16°C dans la pièce il faudra laisser 9 jours, 7 jours si il fait 18°/19°C et 5 jours si il fait 24°C.
Penser à mettre une assiette par exemple dessous le bocal car la préparation risque de déborder.
Deuxième phase
Placer le bocal dans un endroit moins chaud de votre habitation et à l’abri du rayonnement directe du soleil ou à la cave si vous en avez une. Il suffit par exemple de laisser les bocaux à même le sol car il fait toujours moins chaud au niveau du sol qu’à hauteur du plan de travail puisque la chaleur monte naturellement. Vous pouvez aussi mettre votre bocal dans une pièce non chauffée de votre logement, comme au cellier par exemple.
Durée de fermentation
Il est préconisé de laisser fermenter au moins 3 semaines avant de consommer. Ceci pour assurer une production suffisante d’acide lactique permettant la longue conservation, même à température ambiante, du produit lacto-fermenté. C’est aussi une durée minimale permettant une bonne prolifération des bactéries lactiques faisant du produit fini un aliment naturellement riche en bactéries lactiques.
Personnellement, excepté les fruits mûrs lacto-fermentés, j’attends toujours plusieurs mois avant de consommer car mes nombreuses expériences m'ont montrée que les saveurs se subliment au fil du temps.
Pour cette lacto-fermentation de christophine et clémentine corse, je vous recommande de laisser fermenter au moins 6 mois afin de bénéficier de meilleurs saveurs et aussi une bien meilleure composition nutritionnelle du produit. En effet au fil du temps il y a transformation de certains molécules organiques du milieu qui vont conduire à des molécules aromatiques qui sont responsables de la saveur d'un aliment.
Les bactéries lactiques vont aussi pouvoir se multiplier d'avantage et produire ainsi plus de métabolites comme des vitamines par exemple ou encore des enzymes et bien d'autres encore qui vont enrichir le produit en divers nutriments.
On lit souvent ici et là que les bactéries lactiques meurent à partir d'un certain pH acide. Il faut savoir que c'est le pH intracellulaire de la bactérie lactique dont il est question et non le pH du milieu dans lequel elle se trouve. Selon la nature de la bactérie lactique, son pH intracellulaire a une valeur de l'ordre d'environ 1.5 supérieure au pH du milieu dans lequel elle se trouve. Ainsi donc si le pH du milieu est de l'ordre de 3.5 par exemple, le pH intracellulaire de la bactérie lactique sera de l'ordre de 5 !
De manière générale, le pH de légumes lacto-fermentés ne descend guerre en dessous de 3.5. Ce qui garantit un pH intracellulaire de la bactérie lactique de l'ordre de 5 et aucune bactérie lactique ne meure si son pH intracellulaire est de 5 !
Je rédigerai un article complet à ce sujet car c'est très important de le savoir. A cause de cette méconnaissance de la différence entre le pH intracellulaire d'une bactérie lactique et celui du milieu dans lequel elle se trouve certains recommandent vivement de consommer les légumes lacto-fermentés au bout de 3 semaines car soi-disant qu'au-delà de ce délai les bactéries lactiques meurent ! C'est complètement faux !
IV- Mes conseils
--> Utilisez toujours des fruits et légumes les plus frais possibles, non seulement pour leurs qualités nutritionnelles mais aussi parce qu’ils sont potentiellement plus gorgés d’eau ce qui assurera un dégorgement plus important de jus.
--> Le sel fin adhère bien mieux aux morceaux de légumes, préférez-le au gros sel. Il vous suffit de piler du gros sel à l’aide d’un mortier ou de le moudre avec un moulin à épices (un moulin à café fera aussi bien l’affaire).
--> Les légumes lacto-fermentés se consomment par toute petite quantité. Il faudra donc beaucoup plus de temps pour consommer le contenu d’un bocal de1L par exemple que celui de 500mL. L’ouverture à répétition du bocal est un risque de développement de moisissures car des spores se trouvant dans l’atmosphère du lieu de vie peuvent y atterrir et pourront se développer par la suite. Ainsi, utilisez de préférence de petits bocaux.
--> Il est possible de rajouter de l’huile à la préparation en fin de fermentation. Pour ce faire, filtrer la préparation afin de retirer le jus puis couvrez la d’huile. Attendre idéalement plusieurs semaines après cela avant de consommer. Dorénavant je ne le fais plus systématiquement car au fil de mes expériences les utilisations en cuisine de mes fruits et légumes lacto-fermentés se diversifient et la présence d’huile dans le produit limite leur utilisation.
--> Il n’est pas obligatoire de conserver es bocaux entamés au frigo, sinon comment faisaient les anciens à l’époque où les frigos n’existaient pas ? Il suffit tout simplement de les garder dans un endroit moins chaud de votre logement. Personnellement je mets au même endroit mes bocaux en cours de fermentation et ceux déjà ouverts. Je ne garde au frigo que mes lacto-fermentations de fruits ainsi que mes légumes en fermentation courte (ex les kaktugi) afin d’arrêter la lacto-fermentation et stabiliser ainsi les saveurs.
Résumé de la recette
- Christophine épluchée et coupée en bâtonnet de la taille des frites classiques : 700g
- Clémentine corse avec la peau et coupée en demi-rondelle : 2
- Népita séchée réduite en poudre : 1cc
- Gingembre frais avec la peau : 15g
- Curcuma frais avec la peau : 5g
- Cardamome verte en graines : le contenu de 2 coques
- Poivre noir en grains : 1/2 cc
- Coriandre en graine : 1cc
- Vanille : 1 gousse
- Ail frais : 1 gousse
- Oignon rouge frais de taille moyenne : 1/2
- Grains de pollens d'abeilles frais ou séchés : 1cc
⚠️ des grains de pollens d'abeilles surgelés sont à proscrire
- Sel naturel non traité : 2% du pods de la préparation (christophine+oignon+clémentine)
- Dan un mortier piler l'ail, le gingembre, le curcuma et toutes les épices en graine.
- Emincer l'oignon
- Eplucher et couper le chouchou en bâtonnet de la taille des frites classiques.
- Trancher la clémentine en rondelle d'environ 3mm d'épaisseur puis en demi-rondelle
- Mettre la christophine, les clémentines et l'oignon dans un grand saladier préalablement taré et peser le préparation
- Ajouter 2% en poids de sel naturel non traité par rapport au poids de la préparation
- Ajouter le contenu du mortier, les feuilles séchées de népita réduites en poudre, les graines de la gousse de vanille.
- Mélanger délicatement en malaxant légèrement
- Laisser dégorger environ 20 mn
- Mettre en bocal
- Mise en fermentation pour au moins 6 mois.