Achards lacto-fermentés de prunes rouges et reines-claudes mûres
En France nous avons plusieurs variétés de prunes. Les récoltes commencent dès le mois de juin pour certaines variétés tandis que d’autres s’échelonnent de août à septembre comme la prune royale de Montauban (Midi-Pyrénées) par exemple.
Des achards lacto-fermentés de prunes, voilà une succulente recette à réaliser à la belle saison et qui émerveillera votre palais. Une autre façon de consommer des fruits dont les valeurs nutritives sont décuplées grâce à la lacto-fermentation.
Cette recette que j’ai mis en place moi même n’est pas une méthode traditionnelle dans la mesure où il n’existe aucun peuple à travers le monde qui a procédé ainsi. Mais c’est une recette 100 % naturelle qui ne fait appel à aucun ferment du commerce ni à aucun ingrédient transformé industriellement mais uniquement des fruits frais de saison et des pollens d’abeilles locales.
Cette recette est à réaliser avec des prunes mûres, c’est à dire au moment où les arômes sont bien développés.
Nous le savons les fruits sont plus riches en sucre que les légumes et le risque de fermentation alcoolique est élevé. Des achards lacto-fermentés de fruits mûrs j’en fais avec succès depuis plusieurs années et pour parer au risque de fermentation alcoolique, le protocole que j’ai mis en place préconise l’utilisation de pollens secs d’abeilles. C’est l’ingrédient principal qui fera la réussite de la recette, sans pollens d’abeilles (pollens d'abeilles frais ou secs UNIQUEMENT) c’est voué à l’échec.
Les pollens frais ou sec d’abeilles sont ultra riches en bactéries lactiques, une richesse aussi bien en biodiversité qu’en quantité. En apportant cet ingrédient dans notre recette, nous apportons au milieu un supplément de bactéries lactiques qui vont pouvoir se mettre à l’oeuvre rapidement.
Bien sûr des levures sont aussi présentes dans le milieu (levures des fruits et levures de pollens d’abeilles) mais le protocole a été mis au point de sorte que les conditions soient bien plus favorables aux bactéries lactiques qu’aux levures. La présence de sel par exemple va défavoriser les levures, l’utilisation de gingembre avec la peau va booster la prolifération des bactéries lactiques grâce à la richesse en manganèse du gingembre. Grâce à cette prolifération des bactéries lactiques, celles-ci vont gagner rapidement en nombre supplantant ainsi les levures présentes.
Il est donc très important de suivre scrupuleusement la quantité des ingrédients ainsi que le protocole. Oubliez les dosages au pifomètre comme on a souvent l’habitude de faire en cuisine, ici dans cette recette le ratio levures/bactéries lactiques est très important et c’est ce qui fera toute la différence.
Je déconseille vivement d’utiliser des grains de pollens d’abeilles surgelés. Tout simplement parce que l’impact sur la qualité et la biodiversité des bactéries lactiques n’est pas à négliger.
En effet la congélation va à minima fragiliser la paroi des cellules des bactéries lactiques (et de tout organisme vivant en générale). Cette fragilisation pourra conduire au fil du temps à l’endommagement irréversible de la paroi de la cellule, hors c’est la paroi qui protège chaque cellule de tout intrus pouvant nuire au bon fonctionnement du contenu dans la cellule.
D’autre part, fait très important, toute cellule aussi bien animale que végétale est constituée majoritairement d’eau. Lors de la congélation, l’eau contenue dans la cellule va se cristalliser et cette cristallisation n’est pas sans conséquences pour les constituants de la cellule.
Dans les laboratoires des traitements particuliers sont faits au préalable avant toute congélation de bactéries lactiques, comme par exemple l’injection dans la cellule d’un cryoprotecteur. Un cryoprotecteur est une substance utilisée pour protéger les tissus biologiques des dommages causés par le gel, c’est tout simplement un anti gel.
Comprenez bien que les apiculteurs ne peuvent pas recourir à cette technologie avant de congeler leurs pollens d’abeilles ! Par conséquent les bactéries lactiques contenues dans des pollens d’abeilles congelés sont à minima fragilisées, pire une bonne partie ne sont plus vivantes (selon la durée de congélation et selon l’état de santé initiale de la bactérie lactique elle-même).
Rajouter des bactéries lactiques qui ne sont plus au top de leur forme dans une préparation de fruits mûrs en vue d’être lacto-fermentée sera voué à l’échec incontestablement car les levures prendront le dessus et par conséquent la fermentation alcoolique prédominera.
D’autre part le séchage des pollens d’abeilles doivent être fait à une température avoisinant les 35°C, grand maximum 40°C afin de préserver les bactéries lactiques bien sûr. Rapprochez-vous de l’apiculteur pour savoir comment le séchage a été fait car souvent cela n’est pas mentionné sur l’étiquette produit.
Les pollens d’abeilles ont un goût plutôt neutre ce qui ne vas pas " altérer " la saveur des fruits.
Question saveurs, je vous rassure ça n’a pas le goût de poulet au curry ni de dahl de lentilles ! Bien sûr les prunes ne seront plus sucrées comme elles l’étaient au départ puisque justement le sucre a nourri les bactéries lactiques. Mais leurs saveurs sont bien présentes et sublimées. Une fois en bouche, votre palais reconnaît qu’il s’agit de prunes et c’est pareil pour tous les fruits que j’ai réalisés avec cette recette.
Mes nombreuses expériences m’ont montrée que tous les fruits ne s’apprêtent pas à cette recette. Les poires par exemples sont à exclure car le résultat n’est pas terrible. Par contre tous les fruits exotiques que j’ai essayés s’en sortent tous haut les mains !
De manière générale, un mélange de fruits donne un meilleur résultat. J’avais essayé des achards lacto-fermentés de kaki mûrs mais j’étais déçue du résultat. Alors qu’un mélange Kaki/pommes/grenades était divinement bon !
Idem pour les prunes, des mélanges de variétés de prunes ont donné d’excellents résultats. J’avais fait une lacto-fermentation de prune royale de Montauban, une variété locale par chez moi, et le wow n’était pas au rendez-vous lors de la dégustation. C’était mangeable mais pas de wow donc je n’en referai pas.
Car les qualités gustatives et les qualités nutritionnelles sont des critères inséparables pour moi, alors si les deux ne sont pas réunies je ne valide pas la recette.
Côté utilisation en cuisine, on peut utiliser ces achards de fruits aussi bien pour des plats salés, pour faire des coulis crus, des sauces piquantes crues que pour des desserts originaux. Vous trouverez de nombreuses recettes d’utilisation dans la rubrique " Utilisation en cuisine des aliments fermentés " ICI
Dans une mesure de transparence et d’honnêteté , ceux qui reprennent mes recettes ou qui s’en inspirent en modifiant ne serait qu’un seul ingrédient pour réaliser des ateliers de lacto-fermentation, des productions destinées à la vente de fruits et légumes lacto-fermentés, des vidéos YouTube et autres, des vidéos et publications sur les réseaux sociaux, livre ou e-book de recettes de fermentation, … sont priés de le mentionner par respect pour mon travail.
Merci !
Recette en pas à pas
I- Préparation
On commence par piler le gingembre avec leur peau et les grains de poivre à l’aide d’un mortier.
On émince l’oignon et ensuite on va couper la prune en deux (ou en 4 pour les prunes plus grosses) puis les dénoyauter.
Il faudra impérativement goûter les prunes avant de les mélanger aux autres ingrédients. En effet le taux de sel à rajouter sera différent selon que le fruit soit bien sucré ou pas.
Poser un grand saladier sur une balance de cuisine puis faire la tare. Mettre tous les morceaux de prunes et l'oignon émincé dans le saladier et bien noter le poids de la préparation.
Si les prunes sont bien sucrées, rajouter 3 % de sel par rapport au poids de la préparation. Par exemple si la préparation pèse 500g, rajouter 15g de sel (3 % de 500g)
Si les prunes ne sont pas suffisamment sucrées, rajouter seulement 2 % de sel, toujours par rapport au poids de la préparation.
Rajouter le curry en poudre, les pollens d'abeilles secs ou frais, le mélange gingembre/poivre écrasés au mortier.
Mélanger délicatement pour ne pas écraser les fruits. Laisser dégorger environ 30mn.
II- Mise en bocal
Mettre une 1ère couche du mélange dans le fond du bocal, tasser avec le poing/fond d’une bouteille en verre/pilon puis rajouter une 2ème couche de la préparation et bien tasser à nouveau et ainsi de suite jusqu’à remplir le bocal jusqu’au niveau de la monture mécanique si vous utilisez un bocal à joint ou jusqu’à environ 2/3 mm de la bordure d’un bocal de type confiture.
III- Mise en fermentation
Première phase
Mettre une assiette par exemple dessous le bocal car les lacto-fermentations de fruits mûrs sont toujours très actives et du jus va déborder du bocal.
La température ambiante de votre lieu d’habitation est un facteur important.
--> A titre indicatif, si il fait 18°C chez vous, la 1ère phase de fermentation nécessitera 8/9 jours. Cette 1ère phase consiste à déclencher la lacto-fermentation.
--> Si il fait entre 20°/22°C, 6 jours suffiront pour déclencher la lacto-fermentation.
--> Si il fait environ 25°C, 4 jours suffiront.
--> Pour une température avoisinant les 28°C, au bout de 2j 1/2, 3 jours grand maximum passez à la deuxième phase de fermentation.
Deuxième phase
Entreposer le bocal à la cave si vous en avez un ou à même le sol dans un endroit le moins chaud de votre habitation.
Goûter régulièrement le jus qui aura débordé de votre bocal, cela va vous aider à savoir à quel moment suspendre la fermentation.
Au début ce jus sera très salé, ce qui est tout à fait normal. Au fil des jours vous allez commencer à avoir la saveur des fruits qui va se révéler, une saveur qui va s’intensifier au fil du temps. Parallèlement le jus prendra petit à petit une teinte différente et sera de moins en moins salé. Si vous avez bien suivi mes recommandations concernant la quantité de sel et la qualité de pollens d’abeilles, votre jus n’aura pas de goût alcoolisé.
Au bout de 5 semaines environ (à partir du début de la 2ème phase de fermentation), votre préparation ne sera plus salée et la saveur des fruits sera sublimée. Il est temps de suspendre la fermentation. Dans tous les cas, suspendre la lacto-fermentation après 7 semaines grand maximum (depuis le début de la mise en fermentation).
Vous pouvez alors consommer votre préparation ou le garder au frigo en attendant d’ouvrir le bocal. Après ces 6 semaines de fermentations, il est impératif de garder votre bocal au frigo, qu’il soit ouvert ou pas.
Le froid du frigo (5/7°C) ne permettra pas aux éventuelles levures encore vivantes de procéder à une fermentation alcoolique. Non seulement vous éviterez ainsi le départ d’une fermentation alcoolique mais ça va aussi stabiliser les saveurs car aucune enzyme n’est active à ces températures là.
La température d’une cave par contre (environ 12°C/15°C) va permettre une éventuelle fermentation alcoolique, même si elle se fera plus lentement qu’à 20°c par exemple. Les enzymes sont actives à partir de 15°C, par conséquent veuillez à ce que votre bocal ne traîne pas dans un endroit où la température dépasse les 15°C une fois la lacto-fermentation suspendue.
Contrairement aux légumes lacto-fermentés qui se gardent très bien à température ambiante même après ouverture du bocal, je préconise de garder les bocaux(ouverts et non ouverts) d’achards de prunes au frigo une fois la fermentation suspendue, pour les raisons évoquées précédemment.
A moins d’avoir plusieurs frigo, il n’est donc pas envisageable d’en faire plusieurs bocaux à la fois. Il serait plus judicieux d’étaler vos productions.
IV- Mes conseils
--> Choisissez des fruits frais, retirer toute partie endommagée comme des traces de piqûres d’insectes par exemple.
--> A éviter absolument les fruits en phase de dégradation.
--> Utiliser UNIQUEMENT des grains de pollens d’abeilles frais ou séchés à environ 35°C.
--> Utiliser du sel fin plutôt que du gros sel afin de faciliter l'adhérence sur les morceaux de fruits. Vous pouvez tout simplement piler du gros sel à l'aide d'un mortier.
--> Si il fait très chaud dans votre habitation et que vous n’avez pas de cave, entreposer votre bocal d’abord dans une petite cuvette (afin de pouvoir récupérer et goûter le jus qui aura débordé) puis mettez l’ensemble à même le sol dans un contenant plus grand qui sera rempli d’eau (jusqu’à hauteur de la cuvette contenant le bocal). L’eau va jouer le rôle d’isolant par rapport à la chaleur ambiante. Personnellement je n'ai pas de cave et je procède ainsi.
--> La chaleur remonte naturellement, il fera toujours moins chaud au sol qu’à hauteur du plan de travail de la cuisine par exemple (on peut avoir jusqu’à 2/3°C de différence, ce qui n’est pas négligeable !)
Résumé de la recette
- Prunes rouges mûres avec la peau et dénoyautées : 225g
- Prunes reines-claudes avec la peau et dénoyautées : 225g
- Oignon rouge : 1 de taille moyenne
- Pollens d'abeilles (secs ou frais) : 1 càs bien pleine
⚠️Les pollens d'abeilles surgelés sont à proscrire
- Gingembre avec la peau : 20g
⚠️ Le gingembre en poudre est à proscrire
- Poivre en grain de votre choix : 1 cc
- Curry en poudre de Damas (ou tout autre curry en poudre de votre choix) : 1 càs bien pleine
- Sel naturel non traité : 3% du poids de la préparation si les prunes sont bien sucrées sinon 2% seulement
- Piler le gingembre avec la peau et le poivre en grain à l'aide d'un mortier
- Emincer l'oignon
- Couper les prunes en 2 ou en 4 selon leur grosseur et les dénoyauter
- Mélanger les prunes et l'oignon puis peser cette préparation
- Rajouter 3% en poids de sel (par rapport au poids de la préparation) si les prunes sont bien sucrées sinon seulement 2% de sel
- Rajouter le curry en poudre, les pollens d'abeilles secs ou frais, le mélange gingembre/poivre écrasé au mortier
- Mélanger délicatement et laisser dégorger environ 30mn
- Mettre en bocal
- Mise en fermentation durant 6 semaines (7 semaines grand maximum). Passé ce délai, mettre impérativement le bocal au frigo, qu'il soit ouvert ou pas.