Piments d'Espelette lacto-fermentés
aux aromates frais du jardin
Ezpeleta (Espelette) est un petit village d’un peu plus de 2000 habitants au Pays Basque français du département des Pyrénées Atlantiques situé à l’extrême sud-ouest de la France.
La fête du piment célébrée dans ce village tous les ans le dernier week-end du mois d’octobre est un évènement gastronomique et culturel rassemblant autour de 20 000 personnes ! ça tombe à pic car je vous partage aujourd'hui ma recette de piments d’Espelette lacto-fermentés aux aromates frais du jardin, une façon de mettre à l'honneur ce piment emblématique du Pays basque français.
Ce piment est de la famille des Solanacée (comme la tomate, la pomme deterre, ...),du genre Capsicum , de l’espèce annuum et de la variété Gorria.
Il existe 6 variétés de piments dans le Pays Basque dont 2 dans le Pays Basque français et 4 dans le Pays Basque espagnol. Les variétés dans le Pays Basque français sont le piment Gorria et le piment doux d’Anglet.
Ezpeletako biperra (Le piment d’Espelette)est originaire d’Amérique du sud. Les premières traces sont retrouvées au Guatemala, au Pérou et en Bolivie. Ce sont les civilisations Mayas et Incas du Mexique qui ont commencé à le cultiver ce piment. A l’époque ces peuples l’utilisaient comme plantes médicinales et pour les rites funéraires en fumigation.
Il est cultivé sur les terres basques françaises depuis environ 1650. A l’origine ce sont les femmes qui cultivaient ce piment. Les graines sont sélectionnées et les meilleures sont gardées pour les semis de l’année suivante. Ces femmes ont transmis de générations en générations leur savoir-faire aussi bien sur la culture, la cueillette, le séchage que la conservation. De nos jours, les producteurs de piment d’Espelette perpétuent cette tradition et font leurs propres semis avec des graines sélectionnées de la récolte précédente. Traditionnellement c’est le 19 mars, jour de la Saint Joseph, qui est le point de départ pour faire les semis. La culture se fait également selon le procédé ancestral.
Les Mayas produisaient une boisson chaude à base de fèves de cacao et aromatisée au piment. Plus tard le peuple Atzèque du Mexique mélangeait de la poudre de ce piment séché avec de la poudre de cacao pour en faire une boisson pour les guerriers. De nos jours les Basques français raffolent de chocolat chaud saupoudré de piment d’Espelette.
Bazenekien (le saviez-vous) ?
Traditionnellement le piment d’Espelette était utilisé pour remplacer le poivre devenu trop cher, on l’utilisait aussi pour la conservation de la viande et pour la fabrication du jambon du pays. Il bénéficie du label français AOC en 2002 puis du label européen AOP en 2010. C’est la notion de terroir qui fonde ces appellations d’origine. Seuls les piments d’Espelette cultivés dans 10 communes du Pays Basque français peuvent bénéficier du label AOP. Le piment d’Espelette est la seule épice française bénéficiant du label AOP.
Des cordes de piment d’Espelette en cours de séchage décorent les façades des maisons basques. Ce piment est consommé frais ou séché (généralement réduit en poudre). Il garde une place d’honneur dans la cuisine basque où il est utilisé dans de nombreuses préparations aussi bien sucrées que salées. La lacto-fermentation va nous permettre d’en disposer toute l’année.
Ma recette permettra d’obtenir un produit très aromatique et aux saveurs complexes. On pourra jouer sur la texture et les saveurs du produit fini afin de concocter différentes bases culinaires pour créer des plats aux dimensions gustatives et sensorielles qui sortent de l’ordinaire. Je vous partagerai de nombreuses idées d’utilisation en cuisine une prochaine fois.
Dans une mesure de transparence et d’honnêteté , ceux qui reprennent mes recettes ou qui s’en inspirent en modifiant ne serait qu’un seul ingrédient pour réaliser des ateliers de lacto-fermentation, des productions destinées à la vente de fruits et légumes lacto-fermentés, des vidéos YouTube et autres, des vidéos et publications sur les réseaux sociaux, livre ou e-book de recettes de fermentation, … sont priés de le mentionner par respect pour mon travail.
Merci !
Recette en pas à pas
I- Préparation
Equeuter les piments, vous pouvez retirer les graines et le placenta (la partie charnue sur laquelle les graines sont accrochées) mais sachez que ce sont les parties les plus riches en nutriments ! Pour l'utilisation ultérieure en cuisine de ces piments lacto-fermentés, je préconise de mixer le tout avant d'accommoder la préparation ce qui permet de remédier aux éventuels inconvénients des graines. Ensuite couper les en petits morceaux et réserver.
A l'aide d'un mortier piler le gingembre avec la peau, l'ail et les graines de poivre jusqu'à avoir une pâte.
Emincer l'oignon, hacher grossièrement les feuilles de rau ram (coriandre vietnamienne) et les feuilles d'estragon.
Après avoir fait la tare d'un grand saladier, y mettre les piments et l'oignon et peser. Rajouter ensuite 2% en poids par rapport au poids de cette préparation de sel naturel non traité. Si par exemple la préparation pèse 500g, on rajoutera 10g de sel (2% de 500g).
Rajouter ensuite la pâte d'ail et poivre noir, les feuilles d'aromates hachées, le thym et le romarin
Une fois tous les ingrédients mis dans le saladier, mélanger le tout à l'aide d'une cuillère pour éviter le contact direct du piment sur la paume de la main. Ensuite plutôt que de malaxer légèrement avec les mains comme nous le faisons habituellement pour les légumes, se servir d'un pilon ou du fond d'une bouteille de verre pour écraser légèrement la préparation. On laisse dégorger une bonne demi-heure.
II- Mise en bocal
La mise en bocal est une étape très importante car un bocal qui n’est pas rempli correctement est une porte ouverte aux déboires comme la formation et le développement de moisissures par exemple ou encore l’oxydation de la partie supérieure de la préparation à cause de la présence trop importante d’oxygène.
Commencer par mettre une couche de la préparation dans le fond du bocal. Bien tasser avec le poing / le fond d’une bouteille en verre / un pilon puis rajouter une nouvelle couche de la préparation et bien tasser à nouveau. Procéder de la sorte jusqu’à remplir le bocal jusqu’au niveau de la monture mécanique si vous utilisez un bocal à joint type Le Parfait ou jusqu’à environ 2/3 mm de la bordure d’un bocal à vis de type confiture.
Il est très important de bien tasser la préparation. Cela permet de faire remonter le jus au fur et à mesure que l’on remplit le bocal, les légumes vont ainsi pouvoir rester immergés dans leur propre jus. Lorsque les légumes sont bien tassés, le gaz qui va se former lors de lalacto-fermentation ne va pas pouvoir pousser les légumes vers le haut mais se frayera un chemin entre les interstices.
III- Mise en fermentation
Première phase
Laisser le bocal à température ambiante durant 5 à 9 jours, selon la température. A titre indicatif, si il fait 16°C dans la pièce il faudra laisser 9 jours, 7 jours si il fait 18°/19°C et 5 jours si il fait 24°C.
Penser à mettre une assiette par exemple dessous le bocal car la préparation risque de déborder.
Deuxième phase
Placer le bocal dans un endroit moins chaud de votre habitation et à l’abri du rayonnement directe du soleil ou à la cave si vous en avez une. Il suffit par exemple de laisser les bocaux à même le sol car il fait toujours moins chaud au niveau du sol qu’à hauteur du plan de travail puisque la chaleur monte naturellement. Vous pouvez aussi mettre votre bocal dans une pièce non chauffée de votre logement, comme au cellier par exemple.
Durée de fermentation
Il est préconisé de laisser fermenter au moins 3 semaines avant de consommer. Ceci pour assurer une production suffisante d’acide lactique permettant la longue conservation, même à température ambiante, du produit lacto-fermenté. C’est aussi une durée minimale permettant une bonne prolifération des bactéries lactiques faisant du produit fini un aliment naturellement riche en bactéries lactiques.
Personnellement, excepté les fruits mûrs lacto-fermentés, j’attends toujours plusieurs mois avant de consommer car mes nombreuses expériences m'ont montrée que les saveurs se subliment au fil du temps.
Pour cette recette de piments d’Espelette lacto-fermentés, je vous recommande de laisser fermenter entre 6 et 9 mois. Soyez patients, aussi bien votre palais que votre organisme seront récompensés grâce aux saveurs qui se bonifieront et grâce aux nombreux nutriments qui se seront développés d’avantage durant ce temps.
IV- Mes conseils
--> Utilisez des ingrédients les plus frais possibles car ils contiennent potentiellement plus d'eau et dégorgeront avec facilité avant la mise en bocal.
Cueillez les aromates juste avant de lancer votre préparation. Si vous les achetez, mettez les dans un verre d'eau par exemple pour les aider à garder leur fraîcheur mais utilisez les très rapidement.
Sachez que la vit C par exemple, dont les aromates et les épices en sont riches, est très fragile et se dégrade rapidement. Or c'est la vit C qui inhibe l'enzyme responsable de l'oxydation. Une quantité suffisante de vit C dans les préparations permet aux légumes lacto-fermentés de garder leur éclat même après 9 mois de fermentation !
C'est une des raisons pour laquelle je mets toujours différents aromates et épices dans toutes mes lacto-fermentations de fruits et légumes. Voilà le secret de mes légumes lacto-fermentés aux couleurs qui restent éclatantes et vives même après plus d'un an de fermentation.
--> Utilisez du sel fin car il adhère mieux sur les morceaux de légumes. Cela facilitera et accélèrera le phénomène d'osmose (faire dégorger les légumes). Vous pouvez tout simplement piler du gros sel dans un mortier ou le moudre à l'aide d'un moulin à épices (un moulin à café aussi fera très bien l'affaire).
--> Je recommande régulièrement d'utiliser plutôt des petits bocaux car les légumes lacto-fermentés se consomment par très petite quantité. Il faudra donc du temps pour finir de consommer le contenu d'un grand bocal et les ouvertures à répétition du bocal est un risque de développement de moisissures.
Pour ma part, je consomme quotidiennement du piment ou des sauces pimentées à chacun de mes repas alors le contenu d'un bocal de 750mL, comme c'est le cas ici, ne fait pas long feu. Mais si ça n'est pas votre cas alors utilisez plutôt des bocaux de 350mL.
Résumé de la recette
- Piments d'Espelette frais équeutés et coupés en petits morceaux : 700g
- Oignon : 1 de taille moyenne (environ 65g)
- Ail frais : 2 gousses de petite taille ou 1 grosse
- Rau ram (coriandre vietnamienne : une dizaine de feuilles
- Estragon frais : 5 feuilles environ selon la taille
- Romarin frais : 1/2 càs
- Thym frais : 1/2 cc
- Gingembre frais avec la peau : 20g
- Voatsiperifery (poivre sauvage de Madagascar) : 1cc. Vous pouvez utiliser du poivre noir de votre choix
- Sel naturel non traité : 2% du poids des piments préparés et oignon
- Equeuter les piments et les couper en petits morceaux
- Piler le gingembre avec la peau, l'ail et les grains de poivre dans un mortier jusqu'à avoir une pâte
- Emincer l'oignon, hacher grossièrement les feuilles de rau ram et d'estragon
- Peser le mélange piments et oignon. Mettre dans un grand saladier et rajouter 2% en poids de sel
- Rajouter le reste des ingrédients puis mélanger avec une cuillère et écraser légèrement avec un pilon ou le fond d'une bouteille en verre
- Laisser dégorger 30mn
- Mettre en bocal
- Mise en fermentation entre 6 et 9 mois