Le kéfir de lait et le kéfir de fruit
Des grains à la boisson

Grains de kéfir

Toute ma gratitude à Anne, Catherine et Juliette qui m'ont fournie certaines des photos illustrant cet article et ceux qui seront publiés ultérieurement.

Les kéfir sont des boissons lacto-fermentées. Traditionnellement le kéfir de lait est obtenu en fermentant du lait animal avec des grains de kéfir de lait tandis que le kéfir de fruit s’obtient en utilisant de l’eau, de la figue séchée, des rondelles de citron , du sucre et des grains de kéfir de fruits.

Les grains de kéfir de lait ainsi que les grains de kéfir de fruit sont composés d’une population complexe de différentes bactéries et levures intégrées dans une matrice de polysaccharides.

La population microbienne des grains de kéfir varie selon leur origine géographique.

Celle du kéfir de lait (la boisson) varie selon l’origine géographique des grains de kéfir utilisés, selon  la nature du lait utilisé et selon les conditions de fermentations. Celle du kéfir de fruit est fonction de l’origine géographique des grains ainsi que les conditions de fermentations.

La population microbienne des grains de kéfir est différente de celle de la boisson obtenue après fermentation.

Le kéfir de lait et le kéfir de fruit sont donc des boissons lacto-fermentées dont les qualités nutritionnelles et gustatives sont variables et ces différences ne sont pas négligeables.

En d’autres termes, que cela soit un kéfir de lait ou un kéfir de fruit, on ne pourra jamais avoir exactement les mêmes qualités nutritionnelles et gustatives que ceux de son voisin, encore moins ceux de personnes vivant dans des contrées lointaines.

Malgré ces différences de population microbienne des grains de kéfir, aussi bien les grains de kéfir de lait que les grains de kéfir de fruit sont toujours composés de :

- Bactéries lactiques (LAB dans la nomenclature)
- Levures
-  Bactéries acétiques (Acétobacters, AAB dans la nomenclature)


Les bactéries lactiques, les levures et les Acétobacters vivent en symbiose c’est à dire que la présence de chacun de ces micro-organismes est bénéfique pour les autres et est indispensable à leur survie.

Lorsque des bactéries et levures constituants des grains de kéfir ont été isolées, des études ont montré une diminution de la croissance ainsi qu’une diminution de l’activité métabolique de ces mêmes bactéries et ces mêmes levures isolées par comparaison à leur taux de croissance et le leur taux d’activité lorsqu’elles se trouvaient dans des grains de kéfir.

Cela montre bien que la présence des uns et des autres dans ce milieu complexe que sont les grains de kéfir est bénéfique pour chacun.  

De nombreuses analyses ont permis d’identifier les différents microbes constituants les grains de kéfir et on a trouvé que la population microbienne des grains de kéfir de lait est nettement plus importante que celle des grains de kéfir d’eau.

D’autre part, la population microbienne des grains traditionnels de kéfir de lait est beaucoup plus riche que celle des grains de kéfir de lait du commerce qui sont essentiellement des grains de kéfir issus de culture en laboratoire.

Une étude comparative sur la population microbienne de grains traditionnels de kéfir de lait et des grains de kéfir de lait du commerce a révélé que la 1ère comporte 66 microbes différents tandis que le 2ème n’en comporte que 25. Je vous mets le lien de cette étude dans les références (2)  mais vous pouvez retrouver ICI ce tableau comparatif.

I- Composition des grains de kéfir

Si les microbes majoritairement présents dans les grains de kéfir sont des bactéries lactiques, des levures et des Acétobacters, leur proportion varie selon les origines géographiques des grains.

De manière générale les bactéries sont 2 à 10 fois plus nombreuses que les levures et parmi la flore bactérienne les Acétobacters sont moins nombreuses que les bactéries lactiques sauf pour les grains de kéfir de lait originaire du Chili (Mexique) dont les Acétobacters sont plus nombreuses que les bactéries lactiques.

Vous trouverez dans les références (3)  une étude donnant un tableau récapitulatif des différentes bactéries et levures trouvées dans du kéfir de lait et du kéfir de fruit. Ce résultat résulte d’un regroupement de différentes analyses effectuées sur différents kéfirs utilisant des grains traditionnels aux origines différentes. Cette liste n’est pas exhaustive puisque au fil du temps de nouvelles bactéries comme de nouvelles levures sont identifiées. C’est une étude très récente publiée le 19 septembre 2024.

I-1 Les bactéries lactiques

La phylogénie est la classification de l’ensemble du vivant. Cette classification s’établit en fonctions des liens de parenté de chaque espèce de l’arbre phylogénique.

Lactobacillales est l’ordre regroupant les bactéries lactiques composé de 6 grandes familles : Aerococcaceae, Carnobacteriaceae, Enterococcaceae, Lactobacillaceae, Leuconostocaceae, Streptococcaceae.

Chacune de ces familles de bactéries lactiques comporte de nombreuses espèces et chaque espèce contient différents sous espèces. Autant dire une famille de bactéries lactiques est une famille nombreuse et l’ordre Lactobacillales regroupant toutes ces familles nombreuses est gigantesque !

De tous les aliments fermentés analysés jusqu’à ce jour, les grains traditionnels de kéfir de lait comportent la plus grande biodiversité de souches . Cela fait du kéfir de lait produit avec des grains traditionnels l’aliment fermenté le plus riche en toutes sortes de bactéries lactiques, à condition que les grains utilisés ont été bien entretenus et que le procédé de fermentation choisi réunit les conditions optimales.

I-2 Les levures

Il y a plusieurs variétés de levures dans les grains de kéfir et par conséquent dans les boissons lacto-fermentées (kéfir de lait et kéfir de fruit) obtenues en utilisant ces grains.

On a identifié 18 espèces de levures dans le kéfir de fruits et seulement 11 espèces dans le kéfir de lait.

La levure Saccharomyce cerevisae bien connu des fermenteurs, notamment pour la fabrication de la bière par exemple, est dominante dans de nombreux grains traditionnels de kéfir mais on trouve également d’autres levures comme par exemple Kluyveromyces lactis et Kluyveromyces marxianus.

Kluyveromyces lactis et Kluyveromyces marxianus sont des levures qui ont la particularité de pouvoir fermenter le lactose, contrairement à Saccharomyce cerevisae, grâce à l’enzyme béta-galactosidase contenue dans leur cellule qui est l’enzyme qui décompose le lactose en galactose et glucose.

On trouve ces deux levures aussi bien dans le kéfir de lait que dans le kéfir de fruit, en proportion différente selon l’origine des grains. Par exemple La levure Kluyveromyces marxianus représente 90 % de a population lévurienne des grains de kéfir de lait d’origine Coréenne.

Le kéfir de lait et le kéfir de fruit n’ont pas la même composition en levures. A titre d’exemple, plusieurs espèces de levures Candida se trouvent dans le kéfir de lait alors que le kéfir de fruit comporte plus d’espèces de levures Saccharomyce.

I-3 Les Acétobacters (bactéries acétiques)

Des Acétobacters sont naturellement présentes dans les grains de kéfir de lait et les grains de kéfir de fruit et par conséquent dans le kéfir de lait et kéfir de fruit également.

On a isolé 3 espèces d’Acétobacters dans le kéfir de lait :
- A.lovaniensis
- A.orientalis
- A.sicerae


Et également 3 espèces d'Acétobacters dans le kéfir de fruit :
- A.fabarium
- A.lovaniensis
- A.orientalis

Confère le tableau ICI

II- La symbiose entre bactéries lactiques, levures et Acétobacters dans les grains de kéfir de lait et les grains de kéfir de fruit

Une symbiose est une coexistence équilibrée et durable entre les différents micro-organiqmes présents dans les grains de kéfir de lait et dans les grains de kéfir de fruit.

Les levures et les Acétobacters vont fournir les nutriments que les bactéries lactiques elles-mêmes ne peuvent pas synthétiser et qui sont indispensables à leur multiplication. Il est donc important que ces levures et ces Acétobacters présentes dans les grains de kéfir puissent elles aussi rester en vie et se multiplier sinon la santé des bactéries lactiques va se dégrader et elles vont finir par mourir dans les cas extrêmes.

II-1 Symbiose entre les bactéries lactiques et les levures

Les bactéries lactiques sont très exigeantes en nutriments. Elles sont dites auxotrophes car elles ne peuvent pas synthétiser certains nutriments indispensables à leur prolifération, comme des acides aminés et certaines vitamines.

Si le sucre leur permet de rester en vie puisque c'est leur source principale d'énergie, elles ne peuvent pas se multiplier avec juste du sucre car les bactéries lactiques exigent d'autres nutriments qui leur permettent de se proliférer. Les nutriments qui assurent la multiplication des micro-organismes sont appelés " Facteurs de croissance ". Dans le cas des bactéries lactiques, les acides aminés et certaines vitamines constituent leur facteur de croissance.

--> Les levures ont besoin d’un pH compris entre 4,5 et 6,5 pour avoir une activité optimale mais  un milieu trop acide (pH<4,5) provoque un stress chimique chez elles. Ainsi lors de la production de kéfir , les levures ne pourront se développer que lorsque les bactéries lactiques auront commencé à acidifier le milieu.

--> Les bactéries lactiques ne peuvent pas assimiler  l’azote minéral, c’est à dire l’azote apporté par exemple par les ions nitrates NO3-, les ions ammonium N+, l’ammoniac NH3, …
L’azote qui est un de leur nutriment essentiel doit donc être sous forme organique. Et ce sont les levures, lors de leur autolyse, qui vont fournir aux bactéries lactiques cet azote sous forme organique.

L’autolyse des levures est un processus d’auto-dégradation : des enzymes intracellulaires vont décomposer les protéines et les polysaccharides constituants la membrane cellulaire des levures. Une fois que la membrane cellulaire est dégradée, les différentes substances contenues dans la cellule de la levure dont les facteurs de croissance des bactéries lactiques vont être libérées.

C’est ainsi que les levures participent à la prolifération des bactéries lactiques.

Durant le processus de fermentation, lorsque les conditions sont réunies, les levures vont pouvoir se multiplier. Une partie de ces levures vont s’autolyser afin de pouvoir libérer les nutriments indispensables aux bactéries lactiques. Mais il y a toujours un équilibre entre le nombre de levures vivantes et celui de levures mortes suite à leur autolyse lorsque les conditions idéales de fermentation sont réunies.

--> Les bactéries lactiques des grains de kéfir de lait excrètent des polysaccharides (EPS) appelés Kéfirane. Ces EPS vont former la matrice constituant le lieu de vie des différents micro-organismes constituants les grains de kéfir.

La bactérie lactique,  Lactobacillus kefiranofaciens , produit du kéfirane en grande quantité. Malgré une bonne production de kéfirane par cette bactérie lactique, la levure Saccharomyces cerevisae contribue non seulement à l’amélioration de la qualité du kéfirane mais aussi à sa production beaucoup plus importante. Je précise  que les EPS ont un rôle plus qu’important dans la protection des grains contre les agressions physico-chimiques extérieures.

Je vous mets un lien dans les références (5) d'une étude scientifique qui a permis de démontrer la production améliorée de kéfirane grâce à la présence de Saccharomyce cerevisae.

Là encore nous avons une preuve de l’importance d’une coexistence équilibrée bactéries lactiques/levures dans les grains de kéfir de lait.

-->  Autre exemple de symbiose entre bactéries lactiques et levures : Certaines levures présentes dans les grains de kéfir de lait ne peuvent pas métaboliser le lactose du lait (Ex Saccharomyce cerevisae). Ces levures ont donc besoin que les bactéries lactiques excrètent l’enzyme capable de catalyser la décomposition du lactose en galactose et glucose.  Les levures pourront par la suite métaboliser le glucose et le galactose issus de la dégradation du lactose.

--> Les levures assurent l’apport de riboflavine (Vit B2) et d’acide folique indispensables pour la synthèse de polysaccharides par les bactéries lactiques. Des polysaccharides indispensables à la structure du grain de kéfir.

II-2 Symbiose entre les bactéries lactiques et les Acétobacters

--> Les Acétobacters vont produire, entre autres, la Vit B12 dont les bactéries lactiques sont friands.

--> Les Acétobacters vont oxyder l’acide lactique produit par les bactéries lactiques. Cette oxydation conduit à la formation de gaz carbonique et de l’eau. La présence d’Acétobacters dans le milieu permet à celui-ci de ne pas trop s’acidifier, assurant ainsi une meilleure qualité gustative du kéfir d’une part et d’autre part permet aussi aux levures qui ne tolèrent pas un milieu trop acide de continuer à se développer.

Les Acétobacters ont un mode respiratoire aérobie stricte, c’est à dire qu’elle respire l’oxygène. La présence d’oxygène dans le milieu est indispensable pour qu’elles puissent rester en vie et se multiplier. Les Acétobacters dans les grains de kéfir ont donc besoin d’oxygène.

Une production de kéfir de lait et/ou de kéfir de fruit en milieu anaérobique ( bocal fermé hermétiquement, comme les bocaux à joint) va donc conduire à une privation d’oxygène aux Acétobacters. Ces derniers connaîtront un déclin de leur état de santé au fil du temps et vont finir par mourir. Cela aura pour conséquence directe un déséquilibre de la flore conduisant à une diminution de leur synergie. Les bactéries lactiques elles aussi ne seront plus en bonne santé, ne se multiplieront plus et finiront tôt ou tard par mourir si ces conditions de fermentation en milieu anaérobique sont répétées et maintenues dans le temps.

II-3 Symbiose entre les levures et les Acétobacters

-->  Les levures subissent un stress chimiques lorsque le pH du milieu est inférieur à 4,5 . Les Acétobacters, en oxydant l’acide lactique produit par les bactéries lactiques, vont permettre d’avoir un milieu moins acide (pH>4,5) offrant ainsi un milieu qui permettra aux levures de continuer à se développer.

-->  Les Acétobacters utilisent l’éthanol libéré par les levures et les bactéries lactiques hétérofermentaires pour la biosynthèse de l’acide acétique.

Je rappelle qu'il existe des bactéries lactiques homofermentaires et des bactéries lactiques hétérofermentaires.
Les bactéries lactiques homofermentaires produisent uniquement de l'acide lactique.
Les bactéries lactiques hétérofermentaires quant à elles produisent de l'acide lactique, de l'éthanol et du gaz carbonique.
De manière générale il y a un mélange de bactéries lactiques homo et hétérofermentaires aussi bien dans les grains de kéfir que sur les légumes.

III- Qualités nutritionnelles et gustatives du kéfir de lait et du kéfir de fruit

La composition de la flore microbienne ainsi que le taux de chacune des espèces constituant cette flore sont variables selon l’origine géographique des grains. La qualité nutritionnelle et gustative des kéfirs vont donc dépendre de l’origine géographique des grains, du substrat utilisé ainsi que des conditions de fermentation.

III-1 Cas du kéfir de lait

III-1-1 Quantité de lactose dans le kéfir de lait

Une des différences notables sur la qualité nutritionnelle du kéfir de lait, selon la nature du lait utilisé, est le taux de lactose après fermentation.

Le lactose, sucre du lait, est une grosse molécule composée de galactose et de glucose. La décomposition du lactose en galactose et glucose qui sont des sucres directement assimilables par notre organisme est catalysée par une enzyme spécifique appelée Béta-galactosidase. Cette enzyme est naturellement excrété par certaines levures (Kluyveromyces, Saccharomyces fargilis, …) et bactéries lactiques constituants les grains de kéfir de lait durant la fermentation.

Le taux de lactose dégradée au cours de la fabrication de kéfir de lait varie entre 14 et 35 % dans le cas d’utilisation de lait pasteurisé et du lait UHT.

Selon les études réalisées par Hallé et al. en 1994 le taux de lactose après fermentation utilisant des grains de kéfir issus de culture en laboratoire avec du lait pasteurisé variait entre 20g/L à 35g/L. En 2000 Assadi et al. ont mesuré 14g/L de lactose après fermentation utilisant des grains traditionnels dans du lait pasteurisé.

Il est très important pour les personnes ne digérant pas le lactose de savoir que le kéfir de lait obtenu en utilisant du lait pasteurisé ou du lait UHT  est encore riche en lactose.

Ce faible taux de dégradation s’explique par le fait que la pasteurisation et le procédé UHT détruisent toutes les enzymes du lait de façon irréversibles. Lors de la production de kéfir de lait avec du lait pasteurisé ou du lait UHT, les seules enzymes intervenant dans la dégradation du lactose sont celles excrétées par les bactéries lactiques ainsi que certaines levures présentes dans les grains de kéfir de lait.

Tandis que lorsque l’on utilise du lait cru, interviennent également les enzymes béta-galacosidases indigènes du lait cru. Il y a donc une quantité beaucoup plus importante d’enzymes beta-galactosidase intervenant durant le processus de fermentation, ce qui explique une quantité infime de lactose dans du kéfir de lait cru.

III-1-2 Quantité de probiotiques dans le kéfir de lait

Autrefois seules certaines bactéries lactiques furent qualifiées comme étant des probiotiques. Mais depuis quelques dizaines d’années, sont considérés comme probiotiques tout micro-organismes vivant qui, lorsqu’ils sont administrés en quantité adéquate, confèrent un bénéfice pour la santé de l’hôte (définition donnée par FAO/OMS en  2002).

Pour être efficaces, ils doivent répondre à certains critères, notamment des propriétés non pathogènes, une résistance aux processus technologiques, une adhésion aux tissus épithéliaux, une stabilité en présence d’acide et de bile, une capacité à persister dans l’environnement gastro-intestinal, une influence sur les activités métaboliques et une amélioration du système immunitaire.

Dorénavant en plus de certaines bactéries lactiques, certaines levures et certaines moisissures nobles sont considérées comme des probiotiques.

A titre d’exemple, la levure Saccharomyce boulardii appartenant à la famille des Saccharomyces cerevisae est classée probiotique. C'est même la première levure probiotique de l'histoire !

C'est un microbiologiste français, Henri Boulard, qui a découvert cette levure en 1923. Lors d'un séjour en Asie du sud est, il y a eu une épidémie de choléra. Il a remarqué que les personnes qui buvaient un mélange à base d’écorces de litchis et de mangoustans, ne développaient pas de diarrhée (symptôme classique du choléra). Boulard a isolé et identifié une souche de levure extraite de la pelure de ces fruits tropicaux. Par la suite cette souche de levure a été nommée Saccharomyce boulardii.

Il est important de noter que toutes les bactéries lactiques ne sont pas considérées étant des probiotiques (selon la définition de la FAO et de l’OMS), dans la mesure où certaines d’entre elles par exemple n’adhèrent pas aux tissus épithéliaux ni ne sont pas stables en présence de labile, etc etc.

Plus la flore microbienne des grains de kéfir de lait est diversifiée (bactéries lactiques, levures et Acétobacters) et plus les nutriments contenus dans le kéfir de lait seront multiples et variés puisque chacun de ces microbes constituants les grains de kéfir de lait apporte leur flot de nutriments.

Vous l’avez compris plus la symbiose entre ces différents microbes est maintenue, plus la contribution des uns et des autres améliorent qualitativement et quantitativement la valeur nutritionnelle du kéfir de lait.

Une production de kéfir de lait en milieu anaérobique défavorisera les Acétobacters, favorisera la fermentation alcoolique par les levures. Ce qui aura pour conséquence non seulement un déséquilibre de la flore (diminution de la quantité des Acétobacters, multiplication ralentie des levures) mais aussi un déséquilibre des caractères organoleptiques puisque l’on obtiendra une boisson beaucoup plus alcoolisée.

Pour optimiser les qualités nutritionnelles et gustatives du kéfir de lait, pour assurer une bonne santé et une prolifération de la flore microbienne des grains il est judicieux de produire le kéfir de lait en milieu aérobique. Une étude scientifique, dont je vous mets le lien dans les références (5), a permis de démontrer que le développement de la bactéries lactique Lactobacillus kefiranofaciens du kéfir de lait a été beaucoup plus importante en milieu aérobique.

Je traiterai beaucoup plus en détail dans un autre article le rôle des (bactéries lactiques / levures/ Acétobacters), contenus dans les grains de kéfir, dans les qualités nutritionnelles et gustatives aussi bien du kéfir de lait que du kéfir de fruit.

III-1-3 Cas du kéfir de fruit

Il arrive à de nombreuses personnes d’avoir des soucis lors de la production de kéfir de fruit : formation d’une masse gélatineuse à la surface du kéfir de fruit, des grains qui se délitent, une boisson qui ne pétille pas, des grains qui ne se multiplient plus ou se multiplient très peu, etc etc.

Ce sont des signes incontestables d'un déséquilibre de la flore microbienne des grains qui a conduit au déclin de leur état de santé. Ce déséquilibre de la flore microbienne peut être du soit à des grains qui étaient déjà de mauvaise qualité dès le départ, soit à un entretien des grains qui ne s'est pas fait dans des conditions optimales, soit des conditions de fermentations qui ne réunissaient pas les conditions idéales et réalisées de façon répétitive.

Comme dit plus haut, la flore microbienne des grains de kéfir de fruit est beaucoup moins riche (environ 3 fois moins riche) que celle des grains de kéfir de lait. Tout comme les grains de kéfir de lait, les grains de kéfir de fruit sont formés d’une association symbiotique de bactéries lactiques, de levures et d’Acétobacters.

Les problèmes rencontrés lors de la production de kéfir de fruit sont directement liés à la qualité des grains puis au procédé de lacto-fermentation et vise versa puisque la lacto-fermentation permet de faire multiplier les grains et si la méthode choisie ne réunit pas les conditions optimales alors les grains sont mis à mal.

Comme expliqué plus haut, les Acétobacters et les levures contribuent à fournir aux bactéries lactiques leurs facteurs de croissance dont elles ne sont pas capables de synthétiser.

Si le mode opératoire ne garantit pas les conditions assurant la survie et le développement aussi bien des acétobacters que des levures alors les bactéries lactiques finiront par dépérir. D’autant plus que le substrat utilisé (eau + sucre + rondelles de citron + figue séchée) ne permet pas à lui seul d’assurer le développement des bactéries lactiques.

En effet ce substrat n’apporte pas les facteurs de croissance des bactéries lactiques, c’est à dire les nutriments qu’elles ne peuvent pas synthétiser et qui pourtant sont indispensables à leur développement.

J’ai expliqué dans cet article sur le sel et la lacto-fermentation des fruits et légumes ICI que, contrairement aux autres bactéries, les bactéries lactiques ne peuvent se multiplier qu’en présence de leurs facteurs de croissance (acides aminés et certaines vitamines).

Il est donc primordial d’assurer la survie et le développement des levures et des Acétobacters  constituants les grains de kéfir de fruit afin de préserver la santé des bactéries lactiques et ainsi produire du kéfir de fruit aux qualités nutritionnelles et gustatives optimales.

Nous avons vu plus haut que les Acétobacters ont besoin d’oxygène.

Les levures adoptent un métabolisme différent selon qu’elles se trouvent ou pas en présence d’oxygène.

Les levures ont deux métabolismes de base : la respiration OU  la fermentation. En présence d’oxygène dans le milieu, elles vont naturellement procéder à la respiration aérobique en transformant les sucres en gaz carbonique et en eau. En absence d’oxygène, elles vont procéder à la respiration anaérobique c’est à dire la fermentation et les glucides vont être transformées en alcool et en gaz carbonique .

Il existe toutefois quelques espèces de levures qui vont procéder à la fermentation même en présence d’oxygène mais ces espèces là ne sont pas systématiquement présentes dans les grains de kéfir.

Métabolisme des levures

Dans le cas de la production de kéfir, il est souhaitable que la fermentation lactique soit le processus prédominant. Il est donc judicieux de faire la production en milieu aérobique afin de limiter la fermentation alcoolique des levures.

Quant aux bactéries lactiques, elles peuvent très bien se développer aussi bien en présence  qu’en absence d’oxygène puisque les bactéries lactiques sont des bactéries aéro-anaérobioses. Dans cet article ICI j’explique pourquoi les bactéries lactiques peuvent très bien se développer aussi bien en milieu aérobique qu’en milieu anaérobique.

Influence de l'oxygène
Influence de la présence d'oxygène sur le développement des bactéries et levures des grains de kéfir

Tous les cas de figures nous montrent que la production de kéfir en milieu aérobique, et donc en présence d’oxygène, est la condition idéale assurant une bonne synergie entre les bactéries lactiques, les Acétobacters et les levures donnant ainsi les meilleurs conditions environnementales pour assurer leur symbiose.

Je tire la sonnette d’alarme au sujet d’une recommandation  publiée par l’administrateur d’un groupe Facebook spécialisé dans la production de kéfir de lait et kéfir de fruit et qui conseille de faire du kéfir de fruit en milieu anaérobique, en affirmant que des Acétobacters ont été identifiés dans des grains de kéfir de fruit utilisés en milieu aérobique et que cela n’est pas du tout normal car les grains de kéfir ne contiennent que des bactéries lactiques et des levures !

De nombreuses études prouvent pourtant le contraire et je précise que de vieilles études scientifiques datant de 1978 (Ex Rosi et Rossi al. 1978) ont déjà permis d’identifier des Acétobacters dans des grains de kéfir !

Il est donc important de savoir que la présence d'Acétobacters dans des grains de kéfir est naturelle et tout à fait normal. Il est tout aussi important de comprendre que vouloir à tout prix éviter le développement d'Acétobacters dans les grains de kéfir, en procédant à une fermentation anaérobique,  conduira au déséquilibre de la flore microbienne qui entrainera tôt ou tard la perte des grains.

IV- Conclusion

Nous avons vu que les grains de kéfir de lait et les grains de kéfir de fruit sont constitués d’une association symbiotique de bactéries lactiques, de levures et d’Acétobacters. La composition de cette flore microbienne varie selon l’origine géographique des grains.

Si on veut produire des kéfirs aux qualités nutritionnelles constantes, il est primordial que la symbiose entre bactéries lactiques, levures et acétobacters puisse perdurer. Cette symbiose va aussi assurer la multiplication des grains.

La nature et la qualité du substrat utilisé, le procédé de fermentation sont des facteurs essentiels qui vont permettre de stabiliser la symbiose et par conséquent assurer une meilleur qualité aussi bien des grains de kéfir que des boissons obtenues après fermentation.

C’est ainsi et seulement ainsi que nous pourrions assurer la pérennité des grains traditionnels de kéfir et transmettre aux générations futures des grains traditionnels de kéfir aux qualités irréprochables.

Je traiterai de nombreux autres sujets concernant les kéfirs dans d’autres articles : comme par exemple les différents rôles des bactéries lactiques / levures / Acétobacters dans les qualités nutritionnelles et gustatives des kéfirs, l’utilisation de laits végétaux pour faire du kéfir, la capacité du kéfir de lait à inhiber certaine mycotoxine (toxine produite par les moisissures), les bienfaits du kéfir de lait sur notre santé, pourquoi les grains se multiplient très lentement voire pas du tout,  l'entretien des grains non utilisés, etc etc .

Références

1/ Themicrobial diversity of water kefir
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0168160511005344?via%3Dihub

2/ Brazilian kefir : structure, microbial communities and chemical composition
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3769826/

3/ Characterizationof milk and water-based kefir microbiota
https://www.researchgate.net/publication/384184027_Characterization_of_milk_and_water-based_kefir_microbiota

4/ Microbial Communities in Home-Made and Commercial Kefir and Their Hypoglycemic Properties
https://www.researchgate.net/publication/364939771_Microbial_Communities_in_Home-Made_and_Commercial_Kefir_and_Their_Hypoglycemic_Properties

5/ Production améliorée de kéfirane par culture mixte de Lactobacillus kefiranofaciens et de Saccharomyces cerevisiae
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12413785/

Eclair
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